“L’Allemagne doit-elle trembler face à Trump ?” s’interrogeait cette semaine en une le quotidien à sensation “Bild Zeitung”. Les déclarations du futur président américain ont suscité de nombreuses réactions négatives en Allemagne. Les exigences formulées à l’égard des alliés des Etats-Unis priés de dépenser 5% de leur produit intérieur brut pour leurs dépenses de Défense ont été dénoncées comme irréalistes, y compris par ceux (chrétiens-démocrates et verts) qui plaident le plus résolument pour des efforts supplémentaires de leur pays. Olaf Scholz n’a pas manqué non plus de prendre ses distances avec la déclaration de Trump. Le chancelier avait déjà critiqué son actuel numéro deux, le ministre de l’Economie et tête de lice des écologistes pour la campagne en cours, Robert Habeck, qui a proposé une augmentation sensible des dépenses au profit de la Bundeswehr à 3,5% du PIB.
”La nouvelle barre des 5%” a ironisé le quotidien de gauche en référence à celle nécessaire pour les partis pour être représentés au Bundestag ou dans les parlements régionaux
Un responsable de l’aile gauche du SPD a qualifié les exigences budgétaires de Trump de non sens. Dans un parti social-démocrate où le pacifisme reste toujours très ancré, de telles exigences du grand frère américain ne peuvent que provoquer des poussées d’urticaire.
Mais ce sont les propos virils et bellicistes de Trump sur le Groenland qui ont provoqué l’ire de nombreux responsables allemands. Elles ont poussé Olaf Scholz après une concertation avec quelques homologues européens à faire mercredi une déclaration solennelle depuis la chancellerie. Le chef du gouvernement allemand a rappellé que les principes du droit international sur l’intangibilité des frontières valent pour tous. Sans avoir cité Trump, le message était clair. Et le rappel de la transgression de ces principes par Vladimir Poutine contre l’Ukraine créait un parallèle peu flatteur pour le futur président américain.
Olaf Scholz aurait pu ne pas faire cette déclaration publique. A quelques semaines des élections, des considérations électorales expliquent sans doute aussi un tel geste. Le chancelier peut ainsi s’afficher comme un défenseur du droit international et espérer gagner la faveur de certains électeurs. Car le SPD ne décolle pas dans les sondages. Une remontada comme celle que Scholz a réussi en 2021 se fait attendre. Le SPD est crédité d’environ 15% dans les sondages, soit deux fois moins que les chrétiens-démocrates.
”Une attaque contre notre élection”
Des élections sous influence, cela signifie des immixtions de puissances étrangères mais aussi le cas échéant l’utilisation de la politique étrangère pour sa campagne. Olaf Scholz pourrait avoir en mémoire la décision résolue d’un autre social-démocrate, Gerhard Schröder, de s’opposer aux Etats-Unis et à une possible guerre en Irak. Ce positionnement avait profité au chancelier de l’époque lors des élections de 2002. Scholz pourrait être tenté de jouer cette carte aujourd’hui. Ses troupes espèrent qu’un rebondissement venu de l’extérieur profite au chancelier car le chancelier est mieux à même d’en tirer profit que le chef de l’opposition.
Les chrétiens-démocrates se demandent si Scholz ne pourrait pas sortir un lapin de son chapeau à des fins électorales. Cette semaine, un responsable de la CDU évoquait un possible voyage du chef du gouvernement à Moscou pour jouer les colombes et tenter de se profiler comme “chancelier de la paix”. L’intéressé a dénoncé des déclarations infondées qu’il a qualifiées d’infâmes. Mais Scholz déjà lors de la campagne pour les Européennes s’était présenté comme le candidat responsable, contre les “agents de Moscou” (comprenez l’AfD ou l’alliance Sahra Wagenknecht) mais aussi contre les faucons (CDU/CSU et Verts) qui seraient prêts pour Scholz à risquer une guerre nucléaire en prônant notamment la livraison des fameux missiles Taurus à l’Ukraine.
Le chancelier sait qu’une partie notable de l’électorat goûte sa rhétorique prudente, parmi ses troupes sociales-démocrates mais au-delà. Les informations hier du magazine “Der Spiegel” selon lesquelles Scholz se serait opposé à un nouveau paquet d’aides militaires de trois milliards d’Euros pour Kiev avant les élections pourraient participer de cette stratégie.
”Un coeur et une âme ?”
Autre facteur extérieur dans la campagne actuelle: le milliardaire américain Elon Musk qui a pris fait et cause en décembre pour l’AfD estimant que seul le parti d’extrême-droite pouvait sauver l’Allemagne. Le proche de Donald Trump a après l’attaque de Magdebourg attaqué Olaf Scholz le qualifiant “d’idiot incompétent”. Enfin, il a donné hier soir une tribune de choix à la co-présidente de l’AfD, Alice Weidel, avec laquelle il s’est entretenu durant 75 minutes sur sa plateforme X.
Un entretien assez ennuyeux, décousu et visiblement non préparé, marqué de nombreuses contre-vérités. Visiblement, même certains à l’AfD, n’ont pas été enthousiasmés par la prestation d’Alice Weidel et cela ne tenait pas seulement à son anglais. La tête de lice du mouvement d’extrême-droite à qui Musk demandait de présenter son programme n’a pas été capable de le faire de manière claire. Visiblement très flattée de dialoguer avec le milliardaire américain, elle a régulièrement gloussé comme une jeune adolescente pubertaire.
Elon Musk a réitéré son soutien à l’AfD et Alice Weidel a fait l’article de Donald Trump condamnant la façon dont ce dernier était traité dans les médias allemands. Cela suffira-t’il pour obtenir une invitation pour l’intronisation du nouveau président américain le 20 janvier à Washington ? Interrogée par Elon Musk sur les accusations récurrentes d’affiliation entre les idées de l’AfD et celle du parti nazi, Alice Weidel n’a pas fait dans la dentelle affirmant que Hitler était un communiste et donc à des années lumière des idées de l’AfD. Une contre-vérité historique assez lunaire qui restera dans les annales.
L’AfD malgré le contenu du dialogue peut se féliciter de cet adoubement par Elon Musk. Alice Weidel pourra ce week-end lors d’un congrès de son parti se faire introniser comme tête de lice du mouvement d’extrême-droite pour les législatives du 23 février. Dans les sondages, le parti arrive depuis des semaines en deuxième position derrière les chrétiens-démocrates et dépasse la barre des 20% soit le double de son score lors des législatives de septembre 2021. Un sondage ARD montre qu’en un mois, après l’attaque contre le marché de Noël de Magdebourg, l’immigration est devenue la préoccupation numéro un des Allemands (37% au lieu de 23% dans le même sondage il y a un mois). Cette évolution ne peut que profiter à l’AfD. La situation économique difficile de l’Allemagne arrive juste derrière parmi les inquiétudes des électeurs.
Un agenda 2030 pour la CDU
Vous vous rappelez l’agenda 2010 de Gerhard Schröder ? La CDU va adopter ce week-end un agenda 2030. Objectif : relancer la machine économique allemande à l’arrêt après deux années de récession et en raison de problèmes structurels du pays.
Friedrich Merz, candidat à la chancellerie de la CDU : “Nous devons confronter les électeurs à la réalité”
Les diverses mesures prévues se concentrent surtout sur une vaste réforme fiscale. Pour les entreprises, les impôts doivent baisser de 30 à 25% entre 2026 et 2029. Les particuliers doivent aussi voir leurs prélèvements allégés. L’impôt de solidarité introduit après la réunification pour la reconstruction de la partie Est du pays doit disparaitre complètement. Ces mesures doivent être adoptées sans remise en cause du frein à la dette. Des experts ont chiffré les baisses de recettes fiscales à près de 90 milliards d’Euros ce qui suscite des interrogations sur le financement de cette réforme et sa crédibilité. La CDU table sur des économies avec une réforme de l’aide sociale et un durcissement des sanctions; une politique migratoire plus dure doit réduire les dépenses pour les réfugiés; l’efficience de l’administration doit être améliorée.
Les chrétiens-démocrates conservent une avance sensible dans les sondages mais restent nerveux. Les derniers sondages indiquent une légère décrue. Dans l’un d’eux, ils passent sous la barre symbolique des 30%. Un coup politique de Scholz (voir ci-dessus) n’est pas à exclure. Et le caractère impulsif du candidat à la chancellerie Friedrich Merz peut à tout moment causer un dommage collatéral négatif pour les ambitions électorales du parti.
Images de campagne
La photo de l’écologiste Robert Habeck sur la porte de la victoire (contre Napoléon) à Munich a créé une polémique car elle n’était pas autorisée. Le ministre de l’Economie est d’après un sondage le candidat à la chancellerie préféré des Allemands même si les scores des verts restent poussifs.
Le président du parti libéral Christian Lindner, ministre des Finances d’Olaf Scholz jusqu’à début novembre, a été victime d’un entartage par une militante du parti de gauche Die Linke. L’action a provoqué beaucoup de commentaires ironiques mais a aussi été condamnée par les autres mouvements politiques. Si l’attaquante avait été armée, l’issue aurait pu être tragique.
Economie
-la baisse des émissions de gaz à effet de serre se poursuit mais au ralenti. Après un recul sensible de 10% en 2023 dû avant tout à la mauvaise conjoncture industrielle, la baisse n’a été que de 3% l’an passé. Les experts soulignent le manque d’investissements des entreprises comme des ménages dans des technologies plus respectueuses du climat. En cas de reprise économique, les émissions pourraient repartir à la hausse. Malgré tout, ces dernières ont baissé de près de moitié depuis l’année de référence 1990 et s’approchent de l’objectif fixé par l’UE d’une réduciton de 55% d’ici 2030.
-la part du renouvelable augmente mais les importations d’électricité nucléaire made in France également. La production allemande a été assurée à près de 63% par le renouvelable en 2024. Les infrastructures installées ont augmenté de 12%. Mais les importations d’électricité venant de France ont sensiblement augmenté passant de 0,4 TWh en 2023 à 12,9 l’an dernier.
-la Deutsche Bahn accumule les retards. 37% des trains grande ligne ne sont pas arrivés à l’heure l’an dernier.
Migration
-baisse de 29% des demandes d’asile en 2024 avec 250 000 dossiers déposés. La majeure partie des personnes viennent de Syrie, d’Afghanistan et de Turquie. L’Allemagne reste cependant le premier pays européen attirant des réfugiés. Le gouvernement se félicite de ce recul et l’explique notamment par le rétablissement de contrôles aux frontières. L’opposition dénonce des chiffres qu’elle estime toujours trop élevés.
-augmentation de 21% des expulsions des étrangers en situation irrégulière.
-Anas Modamani, symbole des Syriens d’Allemagne : https://www.rfi.fr/fr/europe/20241231-anas-modamani-symbole-des-syriens-d-allemagne-entre-joie-et-inqui%C3%A9tude
après l’Ukraine, le Groenland, le Canada…
les touristes allemands pensent à leur chère île en Méditerranée