L’attaque à la voiture bélier contre le marché de Noël de Magdebourg avant les fêtes avait déjà remué l’Allemagne comme la mort d’un policier à Mannheim avant les élections européennes et des agressions au couteau fin août à Solingen peu avant trois régionales très attendues. A chaque fois, des migrants étaient les auteurs de ces actes ce qui a relancé régulièrement les débats sur un durcissement de la politique migratoire et de la sécurité intérieure.
L’attaque commise par un Afghan la semaine dernière contre un groupe d’enfants en bas âge et leurs éducatrices à Aschaffenbourg a fait deux morts, un jeune garçon et un adulte qui avait cherché à s’interposer. L’auteur, visiblement désésquilibré, avait déjà eu maille à partir avec les autorités et aurait dû être expulsé.
Cette nouvelle tragédie, un mois avant le scrutin du 23 février, a attisé un peu plus les débats. Le chancelier Scholz a réagi vigoureusement et déclaré dans un communiqué : « De telles violences à répétition dans notre pays sont inadmissibles, surtout lorsqu’elles sont le fait de migrants qui cherchaient refuge dans notre pays. Toute tolérance serait dans une telle situation inappropriée. Les autorités doivent expliquer rapidement pourquoi l’attaquant était encore en Allemagne et des conséquences doivent être tirées. ».
Mais Olaf Scholz s’est fait doublé sur sa droite par son challenger Friedrich Merz. Le candidat à la chancellerie des chrétiens-démocrates a proposé une série de réformes très strictes qui doivent être débattues dès cette semaine au Bundestag : contrôles permanents aux frontières de l’Allemagne, interdiction de fait pour toutes les personnes sans papiers y compris les réfugiés et les demandeurs d’asile d’entrer sur le territoire, des compétences supplémentaires pour la police fédérale. Le président de la CDU qui répète depuis des semaines que le “Brandmauer” ou “pare-feu”contre l’extrême-droite (le cordon sanitaire à la française) restait central ne vise qu’une chose, l’adoption de ces mesures qu’il considère comme essentielles. Peu importe, si les voix des députés AfD sont nécessaires pour permettre à ces textes d’obtenir une majorité. “Je ne regarde ni à gauche, ni à droite. Je ne regarde que devant moi sur ces questions” a souligné Friedrich Merz. La virulence des attaques le président de la CDU accusé de briser le cordon sanitaire contre l’AfD a conduit les chrétiens-démocrates à intégrer dans les textes qu’ils veulent soumettre au parlement la mention de leur rejet de l’AfD. Si l’extrême-droite soutient ces propositions, elle devra donc avaler cette couleuvre.
Lettre ouverte de la présidente de l’AfD Alice Weidel à Friedrich Merz proposant un vote commun
Ces mesures auront le soutien du parti libéral. Mais elles ne pourront être adoptées à la majorité que si l’AfD et les députés de l’alliance Sahra Wagenknecht les soutiennent. Les sociaux-démocrates et les Verts au pouvoir rejettent des textes qu’ils jugent excessifs et en partie contraires à la loi fondamentale allemande et au droit européen. “Je pensais que nous pouvions nous fier à la déclaration du chef de l’opposition selon laquelle il ne travaillerait pas avec l’AfD. Maintenant, je suis inquiet” a estimé Olaf Scholz. Mais le chancelier est sur la défensive. Son parti social-démocrate ne décolle toujours pas dans les sondages. Un durcissement de la politique migratoire et de sécurité est soutenu par une majorité d’Allemands, également parmi les sympathisants sociaux-démocrates. Et le SPD n’a pas grand chose à proposer hormis les cris d’orfraie contre des conservateurs qui piétineraient les valeurs démocratiques.
”Campagne électorale en stade terminal” :
”Expulser” : un seul slogan dans la bouche des ténors politiques allemands
Ce va-tout du leader chrétien-démocrate constitue un pari risqué mais pourrait changer la donne de la campagne. Avec des accents trumpiens, Merz veut montrer que l’on doit agir immédiatement, avant même le scrutin et répondre ainsi aux attentes des électeurs alors que le système politique allemand, lourde machine à compromis, n’est pas connu pour ses décisions claires et rapides. Friedrich Merz à qui le SPD reproche son manque d’expérience peut par ce coup montrer qu’il est prêt à renverser la table et reprocher à Scholz son intertie. Mais la tactique électorale est transparente. L’adoption des textes au Bundestag cette semaine n’est pas acquise. Quant à leur mise en place, elle ne pourrait avoir lieu qu’après les élections. Or, aucun allié potentiel des chrétiens-démocrates ne sera prêt à soutenir des mesures dont la légalité est fragile et dont il rejette le contenu. Peu importe. Il faut d’abord marquer des points auprès des électeurs et tenter de séduire certains tentés par un vote pour l’extrême-droite. Mais ces derniers seront-ils convaincus? Et la CDU ne risque-t’elle pas d’y perdre si des électeurs traditionnels plus modérés rejettent de telles propositions et se détournent de la CDU ?
Les responsables chrétiens-démocrates, Friedrich Merz (CDU) et Markus Söder (CSU), réunis autour d’une valeur sûre, la bonne vieille saucisse au curry (à Berlin)
L’attaque d’Aschaffenbourg comme les précédentes a immédiatement conduit l’AfD à se répandre sur les réseaux sociaux pour exploiter cette nouvelle tragédie à des fins électorales. Le parti d’extrême-droite figure en deuxième position dans les sondages avec 20% des voix (10 points derrière les chrétiens-démocrates et devant le SPD de Scholz). Hormis la lettre d’Alice Weidel à Friedrich Merz, le parti n’a pas manqué lors d’un meeting de campagne samedi de rebondir sur l’attaque.
Allemagne: polémique autour d'un tract en forme de «billet d'expulsion» distribué par l'AfD
https://www.rfi.fr/fr/europe/20250114-allemagne-pol%C3%A9mique-autour-d-un-tract-en-forme-de-billet-d-expulsion-distribu%C3%A9-par-l-afd
A Halle, un extrémiste notoire change de sexe pour tourner en dérision la nouvelle loi pour les personnes trans
”Complètement gaga ! Un néo-nazi bien dans une prison pour femmes”
Le clou de la rencontre à Halle aura été l’intervention par video d’Elon Musk devenu outre-Atlantique le propagandiste en chef de l’AfD. Au début du mois, il avait dialogué sur son réseau X avec Alice Weidel. Samedi dernier, le milliardaire américain a sans surprise apporté à nouveau son soutien au mouvement d’extrême-droite : “Vous êtes vraiment le meilleur espoir pour votre pays”. Après son salut controversé considéré comme nazi par beaucoup, Elon Musk a appelé ses supporters à ne pas rester prisonniers du “fardeau nazi” : “C’est ok d’ëtre fier d’être allemand. Les enfants ne devraient pas être coupables des péchés de leurs parents, et encore moins de leurs arrière-grands-parents”.
Des activistes allemands ont projeté le salut “muskien” sur la gigafactory de Tesla près de Berlin
Ce soutien d’Elon Musk pour l’AfD ne se traduit pas par une augmentation sensible du parti dans les sondages. Mais elle lui donne l’adoubement international d’une figure centrale de la mouvance trumpienne. L’audience du parti d’extrême-droite sur la plateforme X a énormément augmenté, même si des manipulations ne peuvent pas être exclues.
Pendant que l’AfD était en meeting samedi avec Elon Musk en guest star, des dizaines de milliers d’Allemands descendaient dans les rues du pays pour manifester contre l’extrême-droite et défendre la démocratie. La participation, notamment à Berlin ou à Cologne, a été sensiblement supérieure à ce qu’attendaient les organisateurs. Ces manifestations rappelaient des rassemblements de masse l’hiver dernier après les révélations sur les projets de l’AfD de “remigration” des étrangers. Si cette mobilisation montre qu’une majorité d’Allemands est hostile à l’extrême-droite, force est de constater que ces manifestations n’ont pas changé la donne politique.
#metoo chez les Verts ?
Les écologistes allemands tenaient leur congrès dimanche dernier. Comme pour le SPD, leur campagne a peu d’effet sur leur audience. S’ils atteignent dans les sondages un score proche de celui obtenu au soir des élections de septembre 2021 (14,8%), ces chiffres restent stables. L’espoir d’une percée ne se concrétise pas. Et la droitisation des débats sur la migration rend encore plus improbable leur maintien au pouvoir aux côtés des chrétiens-démocrates, probables gagnants du prochain scrutin. Sur ces questions, les écologistes, malgré des évolutions, restent partisans d’une politique plus libérale et sont en quelque sorte les derniers héritiers d’Angela Merkel.
Le parti est embarrassé par une affaire de fausses allégations de harcèlement sexuel contre un député sortant. Stefan Gelbhaar, un élu berlinois au Bundestag, a dû renoncer à une nouvelle candidature suite à des accusations émises par plusieurs femmes. Mais après coup, on a appris que certains témoignages étaient inventés. L’affaire a mis à mal la réputation de la radio-télévision publique RBB qui avait sorti l’affaire. Mais sa gestion par les responsables écologistes a été amateuriste.
Le FDP en français
Le parti libéral joue sa survie parlementaire. Après son départ de la coalition avec les sociaux-démocrates et les verts, le FDP stagne toujours dans les sondages et risque bien le 23 février de ne pas franchir la barre des 5% nécessaire pour être représenté au Bundestag. Sur les réseaux sociaux, le parti informe aussi dans différentes langues les électeurs potentiels. Cela suffira-t’il à changer la donne ?
80ème anniversaire de la libération d’Auschwitz
L’événement a eu une énorme résonance internationale et bien entendu en Allemagne. Avec un groupe de collègues étrangers, j’ai pu rencontrer la semaine dernière Albrecht Weinberg, survivant du camp de concentration et qui fêtera son centième anniversaire en mars.
https://www.rfi.fr/fr/europe/20250127-albrecht-weinberg-survivant-d-auschwitz-et-infatigable-t%C3%A9moin?utm_medium=social&utm_campaign=x&utm_source=user&utm_slink=rfi.my%2FBMCL
Chemnitz capitale européenne de la culture 2025
Chemnitz en Saxe dans l'Est de l'Allemagne est depuis quelques jours capitale européenne de la culture pour 2025. La ville a organisé pour les douze prochains mois un programme ambitieux de manifestations avec les communes de la région pour faire mieux connaître une partie de l'Allemagne peu connue et dont la réputation n'est pas la meilleure. https://www.rfi.fr/fr/podcasts/reportage-international/20250125-chemnitz-capitale-europ%C3%A9enne-de-la-culture-un-regard-vers-l-avenir
France-Allemagne : les adieux de Scholz ?
Olaf Scholz s’est rendu à Paris le 22 janvier dernier, jour anniversaire du traité de l’Elysée entre les deux pays. Le rendez-vous avec Emmanuel Macron fut suivi de déclarations des deux hommes mais sans questions. Au vu des sondages, il s’agissait peut-être de la dernière rencontre bilatérale officielle des deux hommes avant les élections allemandes.
Quelques jours auparavant, l’ambassade d’Allemagne à Paris avait publié un nouveau sondage sur l’image de la RFA en France : https://allemagneenfrance.diplo.de/fr-fr/actualites-nouvelles-d-allemagne/actualites-des-relations-franco-allemandes-seite/2694074-2694074