Les changements politiques en Pologne à l'automne dernier permettent d'espérer que le triangle de Weimar, cette Arlésienne de la scène diplomatique opére un come back plus de 30 ans après son lancement. La guerre en Ukraine le rend plus indispensable que jamais. Une première rencontre au sommet a eu lieu vendredi dernier à Berlin.
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La mise en scène devait être parfaite. Les questions des journalistes qui n’auraient pas manqué d’évoquer les récentes chamailleries entre la France et l’Allemagne (voir ma dernière Lettre d’Allemagne) n’étaient pas les bienvenues. Elles auraient troublé l’idylle affichée par les trois responsables, le chancelier Olaf Scholz et ses deux hôtes, Emmanuel Macron et Donald Tusk. Après leurs déclarations à la presse, les trois hommes se sont pris la main pour symboliser leur unité et celle de l’Europe face à la Russie. Donald Tusk, le nouveau premier ministre polonais et ancien monsieur politique étrangère de l’Union européenne, a joué les médiateurs et insisté sur des “rumeurs malveillantes” à propos de divergences entre les trois pays et au-delà au sein de l’Europe.
Trois pays au coeur de l’Europe qui se veulent alignés forts de leurs 188 millions d’habitants représentant plus de 40% de la population de l’UE. Paris, Berlin et Varsovie sont d’accord pour que l’achat de matériels militaires au profit de l’Ukraine ait lieu également sur le marché mondial, pour que l’industrie de l’armement en Europe soit renforcée y compris avec des partenaires en Ukraine. Une coalition pour la livraison de missiles de longue portée au profit de Kiev doit être mise en place. Le sujet qui fâche à savoir d’éventuelles troupes occidentales en Ukraine n’a pas été évoqué en revanche lors des déclarations des trois responsables à la chancellerie vendredi. Emmanuel Macron avait la veille au soir dans une interview à nouveau estimé qu’aucune option ne devait être exclue.
Thérapie. Tusk : "Olaf, Emmanuel, à quoi pourrait ressembler pour vous deux un nouveau départ ?" (Heiko Sakurai)
Le dernier Podkast d’Hélène Kohl revient sur “les flottements franco-allemands”. Pour l’écouter, c’est par ici : Le Podkast | S4E4 : Flottements allemands | Ausha
Les missiles Taurus (traduisez “taureaux”) vont-ils faire imploser la coalition ? On a pu se le demander en écoutant le débat parlementaire de jeudi dernier. Une nouvelle fois, l’opposition chrétienne-démocrate a déposé une motion demandant la livraison de ces armes de longue portée (plus de 500 kilomètres) à l’Ukraine ce à quoi s’oppose Olaf Scholz. Si le texte a été rejeté sans surprise, la discussion au Bundestag a mis plus que jamais en exergue les divisions profondes au sein de la coalition du chancelier Scholz. Si les députés libéraux ont ainsi comme leurs collègues verts et sociaux-démocrates voté contre la motion de CDU/CSU par discipline parlementaire, plus de la moitié d’entre eux a tenu à exprimer par écrit son soutien de principe à la livraison de ces missiles.
Les activistes du climat de "Dernière Génération" ne veulent plus se coller au bitume. Scholz, lui, ne lâche pas son missile Taurus
Pour des oreilles françaises, certains discours de la majorité remettant clairement en cause la position du chef du gouvernement peuvent surprendre. La vice-présidente du groupe parlementaire vert, par ailleurs spécialiste des questions militaires, a dénoncé une “procrastination” qui peut conduire à une escalade car elle mettrait en évidence la peur ressentie face à Poutine. Une pique assez directe adressée à Olaf Scholz. Le quotidien “Süddeutsche Zeitung” ironise ce matin : “Le débat autour des missiles Taurus rappelle les scooters lors d’une fête de village. Les conducteurs des voitures rouges, vertes et jaunes (les partis de la coalition) se rentrent dedans joyeusement, notamment dans le véhicule du chancelier”.
Les 2/3 des Allemands contre la livraison des missiles Taurus (56% en février). Scholz a le soutien des Allemands.
Les propos du chef du groupe parlementaire SPD, Rolf Mützenich, se demandant si geler le conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine ne permettrait pas d’y mettre fin ont suscité un tollé, surtout chez les chrétiens-démocrates mais aussi au sein de la majorité. Le ministre de la Défense, le social-démocrate Boris Pistorius, a rejeté hier les propositions de son camarade de parti. Les déclarations de Mûtzenich illustrent l’enracinement des convictions pacifistes au sein du SPD et font écho aux convictions d’un nombre important d’Allemands. Le parti social-démocrate pourrait jouer cette carte lors des scrutins à venir.
Les sondages montrent régulièrement qu’environ les trois quarts des Allemands sont insatisfaits de leur gouvernement. Difficile de sortir en ville depuis des mois sans échapper aux blagues plus ou moins subtiles sur la coalition au pouvoir.
Paradoxalement, un certain nombre de mesures adoptées depuis décembre 2021 sont populaires comme le montre un sondage du magazine “Der Spiegel”. C’est le cas de l’augmentation du smic horaire à 12 Euros de l’heure (bonne ou très bonne mesure pour 79% des sondés), du Deutschland-Ticket (75%), des mesures pour réduire la hausse des prix de l’énergie (74%), les allocations familiales (65%), les subventions pour les usines de semi-conducteurs (62%).
Alors qu’en France, les sondages donnent le Rassemblement National largement en tête pour les Européennes, ce sont les chrétiens-démocrates qui devraient être les grands gagnants en Allemagne avec un score supérieur à celui qu’ils recueillent dans les études d’opinion pour les scrutins nationaux. (un sondage Euronews/Ipos dans tous les pays de l’UE donne 29% à CDU/CSU). Si le SPD maintient son score de 2019, le résultat devrait être décevant pour les verts qui avait obtenu un score historique lors des dernières Européennes avec plus de 20% des voix. L’AfD augmente certes son score par rapport au dernier scrutin mais il est inférieur à celui des derniers mois.
-AfD : la tête de liste pour les Europénnes voit son audience sur TikTok réduite pour 90 jours par la plateforme. Une mauvaise nouvelle pour l’intéressé alors que le très radical Maximilian Krah, comme beaucoup de responsables de son parti, rencontre un franc succès sur ce réseau social. D’après “Der Spiegel”, des déclarations homophobes, contre les réfugiés ou sur le “grand remplacement” auraient motivé TikTok à prendre cette décision.
"Des Reichsbürger, des identitaires, das Nazis au Bundestag ? Comment est-ce possible ?" après les révélations sur une centaine de collaborateurs parlementaires AfD appartenant à des groupes extrémistes
Un partisan de la “remigration” persona non grata. L’égérie du mouvement identitaire, l’Autrichien Martin Sellner, interdit de séjour en Allemagne. Une décision prise par la ville de Potsdam et valable sur l’ensemble du territoire allemand. Sellner avait participé à la rencontre dans la capitale du Brandebourg à l’automne dernier de figures de l’extrême-droite. Les révélations de la plateforme “Correctiv” sur cette réunion où l’on avait évoqué le renvoi de millions d’étrangers ou d’Allemands d’origine étrangère avaient provoqué une vague d’indignation dans le pays et de nombreuses manifestations contre l’extrême-droite.
"Prenez peur, fainéants ! Merz IV arrive !"
-La CDU a présenté lundi des propositions pour transformer et durcir l’aide sociale réaménagée par l’actuel gouvernement. Les chrétiens-démocrates critiquent des règles actuellement trop généreuses financièrement et qui ne pousseraient pas les personnes sans emploi à travailler.
-les libéraux subissent une défaite à Bruxelles. Le FDP avait, une fois de plus, contraint l’Allemagne à s’abstenir en rejetant la directive sur le devoir de vigilance, qui rendra les grandes entreprises européennes responsables des atteintes aux droits humains et à l’environnement sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. Les sociaux-démocrates et les verts soutenaient le texte. Finalement, un compromis a été trouvé à Bruxelles ainsi qu’une majorité pour entériner le texte, malgré l’abstention allemande.
Heike Heubach-Heike Haubach, une députée sourde au Bundestag. La sociale-démocrate avait failli être élue en septembre 2021. 23 collègues qui figuraient sur la liste du SPD en Bavière l’avaient été. La quadragénaire figurait en 24ème position. La nomination d’un député comme délégué du gouvernement à la police qui renonce à son mandat permet à Heike Heubach de faire son entrée cette semaine au Bundestag, une première pour une personne malentendante au parlement allemand. Un traducteur lui permettra dans l’hémicycle ou lors du travail en commission de suivre les débats et d’y participer. Lorsqu’elle “prendra la parole” au Bundestag, un orateur restituera ses propos auprès de ses collègues.
« Pour certains, nos efforts conduisent à un déclin du pays. Nous montrons aujourd’hui que ça n’est pas le cas » : c’est un Robert Habeck très positif qui a assisté à la présentation du dernier rapport de l’agence fédérale pour l’environnement. Le ministre écologiste de l’Economie et du Climat a dû affronter un vent mauvais ces derniers mois. Enfin, il pouvait positiver. Lorsqu’il est arrivé aux affaires, les ambitieuses projections -une baisse des deux tiers des émissions de CO2 en 2030 par rapport à l’année de référence 1990- paraissaient bien compromises. Une baisse de moitié semblait au mieux possible. La fin des livraisons de gaz russe et le recours accru au charbon qui s’en est suivi risquaient de compromettre encore plus les ambitions allemandes.
Mais 2023 a été un bon cru pour le climat avec le recul le plus important depuis la réunification. Certes la crise de l’industrie allemande qui dégage 20% du gaz à effet de serre explique pour partie ce recul. Mais pas seulement. Les mesures prises par le gouvernement ont débouché sur un développement important du renouvelable qui assure désormais plus de la moitié de la production d’électricité. L’utilisation du charbon a sensiblement baissé.
La réduction des émissions des deux tiers d’ici 2030 est désormais réaliste.
Le quotidien “Süddeutsche Zeitung” a ainsi titré un article sur le nouveau maillot de l’équipe nationale de football qui a fait coulé beaucoup d’encre. Les commentaires sur les réseaux sociaux ont été nombreux. Pour d’aucuns, cette couleur est incompatible avec un sport de mâles qui se respectent. L’éditorialiste haut en couleur de “Bild Zeitung” Franz Josef Wagner a fait dans l’homophobie de grand papa en écrivant : “J’ai mes doutes sur une équipe en rose. Quand on porte cette couleur, on caresse tendrement son adversaire au lieu de lui balancer des coups de pied. Je n’aime pas les Kens, les poupées Barbie masculines. Je veux des mecs. Je veux voir Beckenbauer en maillot noir et blanc. Il n’aurait jamais porté du rose”.
Parce que la fédération de football allemande avait prévu de telles réactions négatives, un spot a été tourné à l’avance avec des joueurs qui contredisent ces voix critiques. On entend dans cette video une joueuse de l’équipe nationale féminine répondre à la question : “Est-ce que c’est un maillot pour les femmes ?” par “Je ne sais pas. Pour moi, ça ne ressemble pas à un modèle avec huit victoires”. L’équipe nationale allemande a remporté huit fois l’Euro contre trois pour les hommes.
Das ist unser neues Auswärtstrikot (youtube.com)