Le nouveau chancelier doit être élu le 6 mai par le Bundestag. Un mini-congrès de la CDU doit entériner sa désignation lundi prochain. Les résultats du vote des membres du SPD seront connus mercredi prochain.
Le contrat de coalition entre les futurs partenaires chrétiens et sociaux-démocrates a été négocié et présenté (voir la dernière Lettre d’Allemagne). Il doit encore obtenir le feu vert des trois partis membres de cette nouvelle “grande coalition” (même si sa taille a fondu au soleil par rapport à d’autres éditions de cette alliance droite/gauche). La CSU bavaroise a très vite entériné le texte. Lundi prochain, ce sera le tour de la CDU. Même si la base chrétienne-démocrate a des états d’âme, Friedrich Merz ayant mis de l’eau dans sa bière, qu’il s’agisse de la politique migratoire ou du frein à la dette, une adoption du texte ne fait aucun doute. Comme en 2013 et 2017, le SPD consulte l’ensemble de ses membres (aujourd’hui 358 000). Le résultat est attendu pour mercredi prochain. Une majorité est très probable même si les jeunesses sociales-démocrates dénoncent le texte. Le durcissement de la politique migratoire, le flou sur la hausse du smic horaire à 15 Euros, l’absence de hausses d’impôts pour les plus riches passent mal auprès de l’organisation de jeunesse qui rassemble un membre du SPD sur cinq. L’élection du nouveau chancelier Friedrich Merz par le Bundestag est prévue le 6 mai.
Il est temps que ce gouvernement se mette en place. Car sa base électorale fond au soleil. Celle des chrétiens-démocrates d’abord. Leur score médiocre il y a deux mois (28,5%) s’effrite dans les sondages. Et l’extrême-droite qui a déjà décroché un résultat historique le 23 février avec plus de 20% des voix vient d’atteindre cette semaine un score inédit dans une étude d’opinion avec 26% des intentions de vote. Un niveau inquiétant alors que dans la classe politique beaucoup pensent que le prochain gouvernement doit absolument convaincre les électeurs. Sinon dans quatre ans, l’AfD pourrait bien arriver en tête comme le RN en France. Cette hausse en quelques semaines s’explique sans doute par la déception d’électeurs chrétiens-démocrates que les virages sur l’aile mal négociés de Merz irritent. La popularité du futur chancelier qui n’a jamais été démentielle baisse sensiblement. Un Allemand sur cinq lui fait confiance aujourd’hui et la moitié des électeurs ne pense pas qu’il gouvernera mieux que Scholz. Pourtant, le chancelier sortant qui continue de gérer les affaires courantes bat des records d’impopularité. Oubliez l’état de grâce, c’est la disgrâce pour Merz avant même d’être officiellement en poste.
Jens Spahn et le mur pare-feu contre l’AfD :“Il n’est quand même pas interdit de se faire coucou dans ce pays”
Le succès de l’AfD aux dernières élections a conduit à un doublement du groupe parlementaire du parti d’extrême-droite au Bundestag. Un débat est en cours sur la nécessité ou non de donner des postes de responsabilité au parlement à cette force. L’AfD est en exclue depuis son premier succès électoral en 2017.
La déclaration du chrétien-démocrate Jens Spahn, possible ministre de l’Economie du futur chancelier Friedrich Merz, a soulevé une levée de boucliers. Il a déclaré dans une interview : “Des millions d’électeurs ont voté pour l’AfD. L’Alternative pour l’Allemagne devrait être considérée comme un parti d’opposition comme les autres ».
Jamais depuis 2017, malgré x candidatures, un élu AfD n’a obtenu un poste de vice-président du Bundestag. Ce scénario s’est répété fin mars. La cour constitutionnelle saisie n’a pas remis en cause ces décisions.
Mais quid des présidences de commissions parlementaires ? Avec 152 députés, le parti d’extrême-droite pourrait prétendre en diriger une demie-douzaine. Pour Jens Spahn comme pour d’autres chrétiens-démocrates, exclure l’AfD profite à ce parti qui peut jouer les martyrs. Le partenaire de la CDU, les sociaux-démocrates rejettent une ouverture. La ministre de l’Intérieur Nancy Faeser rappele que l’AfD est observée par l’office de protection de la constitution : « A l’heure où notre sécurité et notre démocratie sont menacées, des amis de Poutine ne peuvent pas diriger des commissions parlementaires » a estimé la ministre SPD. Des chrétiens-démocrates partagent ce point de vue. Le contrat de coalition entre SPD et CDU/CSU évoquant un rejet des extrêmes et des votes en commun au parlement, un assouplissement du rejet de l’AfD n’est pas à attendre.
“Friedrich Merz est un coup de chance pour Emmanuel Macron. Presque un partenaire de rêve. Une nouvelle idylle est possible entre la France et l’Allemagne, et pour l’Europe” : le quotidien de Munich “Süddeutsche Zeitung” était dythyrambique il y a quelques jours pour évoquer le futur “couple”. Avec le chancelier sortant, Olaf Scholz, la mayonnaise n’a pas vraiment pris. Le faible engouement du Hambourgeois pour la chose européenne contrastait avec la verve de son voisin français sur ces dossiers.
Friedrich Merz semble avoir établi une relation plus chaleureuse avec Emmanuel Macron et partage avec le président français des idées communes sur l’avenir de l’Europe et la relation transatlantique. Le futur chancelier qui incarne la CDU rhénane d’un Helmut Kohl est francophile et une photo de de Gaulle et Adenauer à la cathédrale de Reims orne son bureau au siège de la CDU.
Trois jours après les législatives allemandes, Friedrich Merz était reçu à l’Elysée
Un rapprochement franco-allemand est plus que jamais d’actualité pour afficher des réponses communes face à la politique disruptive de Donald Trump. L’atlantiste Merz a rapidement souligné après les législatives que la forte relation entre l’Allemagne et les Etats-Unis risquait d’être remise en cause. Le futur chancelier évoque aussi une plus grande souveraineté européenne chère à Emmanuel Macron. Un petit coin de parapluie nucléaire français n’est plus une chimère. Friedrich Merz a aussi réitéré qu’il pourrait livrer les missiles de longue portée Taurus à l’Ukraine, ce que Scholz a toujours refusé : https://www.rfi.fr/fr/europe/20250414-allemagne-friedrich-merz-ouvert-%C3%A0-la-livraison-de-missiles-taurus-%C3%A0-l-ukraine
Après son élection le 6 mai, le premier déplacement de Friedrich Merz doit avoir lieu à Paris (puis à Varsovie). Le nouveau chancelier allemand et le président français pourraient ensuite se rendre ensemble à Kiev. Le renforcement de l’industrie de Défense figurera à l’ordre du jour des discussions Merz/Macron. La réduction de la bureaucratie en Europe ou encore l’union des marchés de capitaux doivent progresser. Un chancelier chrétien-démocrate, moins fixé sur le renouvelable, pourrait permettre des avancées sur une politique énergétique européenne. Si Paris a vu positivement la remise en cause par Berlin du sacrosaint frein à la dette, l’idée française d’Eurobonds au profit de la Défense européenne passe encore mal à Berlin, même si on ne peut pas l’exclure totalement.
Comme ailleurs, la mort du pape François a suscité une grande émotion en Allemagne. Les plus hauts responsables politiques assisteront samedi aux obsèques du pape : le président de la république Frank-Walter Steinmeier, le chancelier Olaf Scholz, les présidentes du Bundestag et du Bundesrat (Julia Klöckner CDU et Anke Rehlinger SPD) et le président de la cour constitutionnelle de Karlsruhe. Le ministre-président de la très catholique bavière, Markus Söder, sera aussi du voyage. Un absent de marque n’apparait pas dans cette liste, le futur chancelier Friedrich Merz. Certes, il n’est pas encore en fonction mais le protocole aurait sûrement trouvé un strapontin pour lui. Les spéculations sur cette absence vont bon train. D’aucuns avancent les irritations suscitées parmi certains chrétiens-démocrates par le parti pris de l’Eglise catholique pour les migrants alors que CDU et CSU avaient sensiblement durci le ton sur ces questions durant la dernière ligne droite de la campagne électorale. La nouvelle présidente du Bundestag, la chrétienne-démocrate Julia Klöckner, a provoqué une polémique ces derniers jours en critiquant les prises de position politiques de l’Eglise catholique estimant qu’elles étaient trop fréquentes. Un point de vue rejeté par différents responsables politiques, également au sein de la CDU comme l’ancien candidat à la chancellerie Armin Laschet.
”Voir Vance et mourir” : le quotidien de gauche, habitué des unes percutantes, évoquait mardi le dernier hôte officiel du pape avant la mort du souverain pontife.
L’Eglise catholique allemande et les laïcs en son sein ont ces dernières années plaidé pour des réformes libérales de l’institution : mariage des prêtres, ouverture aux personnes queer, aux femmes, partage du pouvoir avec des non religieux. Si des réformes initiées par le pape François ont été saluées en Allemagne, le réformisme de l’église germanique a aussi suscité la grogne du Vatican. François avait ainsi déclaré qu’une deuxième Eglise protestante n’était pas nécessaire... Le pape a d’ailleurs évité d’effectuer tout voyage en Allemagne durant son pontificat.
“Vous avez détruit votre existence. Vous étiez sur le bon chemin. Vous auriez pu devenir professeur” : le juge Sahin Sezer a eu des mots très durs contre Mustafa A. qui début février 2024 avait brutalement agressé à la sortie d’un café de Berlin un autre étudiant qu’il avait reconnu. Une attaque qui avait choqué et suscité une énorme couverture médiatique. La victime Lahav Shapira a été grièvement blessé et a dû subir de nombreuses opérations au visage. Cette brutale attaque intervenait quelques mois après le 7 octobre 2023 qui a donné lieu en Allemagne comme ailleurs à une ébullition sur les campus allemands.
Le tribunal de Berlin a reconnu que l’agression commise par l’étudiant d’origine libanaise était clairement antisémite. Le verdict va au-delà de la peine proposée par le parquet. Lahav Shapira dont le grand-père avait été tué par un commando palestinien lors des jeux olympiques de Munich en 1972 avait toujours rejeté les déclarations antisémites dans un groupe whatsapp d’étudiants sans prendre fait et cause pour le gouvernement israélien.
Comment une telle petite annonce peut-elle être diffusée dans le magazine édité par une ville ? Le texte publié par un couvreur de Sebnitz en Saxe qui vantait les mérites de sa petite entreprise ajoutait qu’il comptait offrir une place d’apprenti à partir de l’an prochain avant de préciser : “Pas de nez crochus, pas de métèques”. A l’heure où l’extrême-droite atteint des records dans la partie Est du pays où la parole se libère de plus en plus, cette publication a choqué. La municipalité a condamné la publication précisant qu’une agence se chargeait d’acquérir les publicités. On a déjà vu mieux côté relecture… Le conseil municipal de Sebnitz a condamné la petite annonce raciste, une déclaration soutenue par les élus du parti d’extrême-droite AfD.
C’est du jamais vu. Le quotidien à sensation “Bild” a présenté la semaine dernière en une ses plus plates excuses après des publications l’an dernier sur une policière berlinoise, Judy S., complètement inventées. Le journal avait présenté la fonctionnaire comme une personne trans qui aurait administré des drogues à des hommes avant de les maltraiter sexuellement. Un accord a été trouvé devant la justice. La victime dont la carrière a d’abord été remise en cause aurait obtenu 150 000 Euros du journal.
“Bild Zeitung” n’est pas connu pour son respect des faits et pour son éthique journalistique. L’avocat de Judy S. a comparé ce qui est arrivé à sa cliente au célèbre livre de l’écrivain Heinrich Böll “L’honneur perdu de Katharina Blum” sur l’histoire d’une femme victime de la presse à sensation, baptisée “presse de boulevard” en allemand.
L’audiovisuel public allemand a souvent été critiqué pour une couverture trop angélique de l’immigration. Ce point de vue est défendu par des conservateurs. Pour l’extrême-droite, les médias publics ne sont de toute façon que des organes de propagande aux mains de l’Etat.
Avec son nouveau magazine “Klar”, l’ARD veut sortir du politiquement correct et évoquer sans détours des problèmes qui agitent le pays. Dans la première édition sur les questions migratoires, le fil rouge est dévolu au père d’une adolescente tuée à coups de couteaux (ainsi que son copain) par un migrant d’origine palestinienne dans un train. Le jeune homme déséquilibré n’était pas inconnu des services de police et sa demande d’asile avait été rejetée. Le magazine joue sur les émotions ce qui est plutôt d’ordinaire le fait de la télévision privée et critique les limites d’une politique qui ne parvient pas à assurer l’intégration de certains migrants ou à agir efficacement et rapidement contre les criminels. Un sujet qui fait écho aux attaques meurtrières des derniers mois qui ont choqué le pays.
https://www.ardmediathek.de/tv-programm/6804ce89cb71f073e97e1dd3
Le magazine a été attaqué, accusé de populisme. L’humoriste Jan Böhmermann qui officie sur la chaîne publique concurrente ZDF a été féroce. Des collègues de l’animatrice de “Klar” ont pris leurs distances.
L’animateur a été une vedette à la radio puis à la télé dans l’Allemagne d’après-guerre où il a gagné une énorme popularité grâce des programmes de divertissement grand public. Son émission de jeux la plus connue “Dalli, Dalli” était diffusée sur la chaîne publique ZDF. Un biopic à l’occasion du 100ème anniversaire de Hans Rosenthal raconte les tourments de ce juif né à Berlin en 1925. Son émission doit fêter sa 75ème édition le 9 novembre 1978. Pour les responsables, un rendez-vous incontournable qui ne leur évoque rien de plus.
Pour Hans Rosenthal, cette date, c’est d’abord le 40ème anniversaire de la nuit de cristal de 1938 lorsque le régime nazi a attaqué et souvent détruit des milliers de synagogues et de magasins juifs à travers le pays. A l’époque adolescent, Hans Rosenthal a vécu de drame. Plus tard, son frère sera déporté et exterminé dans un camp. Hans Rosenthal choisi la clandestinité à partir de 1943 et survit caché jusqu’à l’arrivée des forces soviétiques au printemps 1945.
Le biopic https://www.zdf.de/filme/rosenthal-movie-100 évoque la carrière de l’animateur mais aussi sa jeunesse, son engagement au sein de la communauté juive et le manque d’empathie de la société allemande pour l’holocauste.
”Sous-payés, sous-effectifs, débordés”
Un type sort au milieu de la nuit d’un club berlinois dans un état second. Alcool, drogues : la routine. Il manque de finir sous une voiture. Peu après, on le retrouve, toujours aussi défait, sur les escaliers d’un hôpital qui a connu des jours meilleurs, tentant de retrouver ses esprits. A côté de lui, un patient s’étouffe. Rassemblant ses dernières forces et le zeste de conscience que diverses substances lui ont laissé, le chirurgien Ben Weber plante une aiguille dans le torse du patient pour le soulager.
Bienvenu à “Krank” (“malade” en français). C’est le nom qui ne s’invente pas de cet hôpital berlinois quelque part entre Kreuzberg et Neukölln, deux quartiers “bigarrés” dont le cocktail détonant “s’épanouit” dans les urgences de cet établissement où l’on pourrait croire qu’il se trouve dans une zone de guerre. Les clans arabes débarquent après une fusillade soutenant des hommes couverts de sang, un jeune prostitué masculin sans papiers cherche à faire traiter sa syphilis, les junkies overdosés sont monnaie courante, ramenés à “Krank” par des ambulanciers qui écument les darkrooms et autres soirées chaudes du Berlin interlope et hédoniste.
Nos amis allemands plus âgés peuvent oublier la série d’antan à l’eau de rose “La clinique de la forêt noire” (également diffusée en France à la fin des années 80). “Krank ER” vous saisit aux tripes, raconte les dessous d’une ville aux drames quotidiens et dénonce à travers le chaos du service des urgences (“ER” pour “Emergency Room”), la situation dramatique du système hospitalier, lui aussi “krank”, malade.