Les manifestations contre l'extrême-droite toujours plus nombreuses suffiront-elles à remettre en cause le succès actuel du parti dans les sondages avant les Européennes de juin et des régionales en septembre?
Plusieurs centaines d’organisations ont appelé ce samedi à une manifestation au centre de Berlin “contre la division, pour la démocratie”. 100 000 personnes sont attendues. La mobilisation de la société allemande contre l’extrême-droite se poursuit. Des centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes sont descendus dans les rues à travers tous le pays depuis les révélations de la plateforme “Correctiv” sur les projets de ”remigration” de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne). Le mouvement veut expulser des millions de personnes, des étrangers mais aussi des nationaux considérés comme “non assimilés”.
Les manifestations massives faisaient la une du magazine la semaine dernière.
Cette mobilisation peut-elle nuire sur la durée à l’AfD ? Les experts répondent par l’affirmative. Deux sondages (ARD et ZDF) publiés ce vendredi montrent que le parti d’extrême-droite a perdu trois points dans les sondages en un mois pour passer de 22 à 19% des intentions de vote. Les trois quarts des Allemands soutiennent les manifestations contre l’AfD. Dimanche dernier, le candidat du parti d’extrême-droite arrivé largement en tête d’une cantonale en Thuringe au premier tour avec plus de 45% des voix a dû finalement s’incliner face à son concurrent chrétien-démocrate. La mobilisation de la société civile explique également cette défaite inattendue.
"Pas avec nous" : la une du magazine "Stern" cette semaine avec devant la très populaire chanteuse Helene Fischer
Cette mobilisation est relayée dans les milieux économiques où l’on s’inquiète des projets de l’AfD. La “remigration” est un non sens pour un pays qui a besoin de main d’oeuvre étrangère face à ses défis démographiques. Les chambres de commerce et d’industrie dans l’Est du pays où l’AfD engrange ses meilleurs scores et où trois régionales ont lieu en septembre ont pris position contre les risques que représentent l’Alternative pour l’Allemagne pour l’économie. Dans le magazine “Stern” (voir ci-dessus), le PDG de Volkswagen dénonce aussi ce danger; le patron de Siemens a pris récemment position dans le même sens.
"Faut-il interdire l'AfD ?" le quotidien "Bild" a interrogé des Allemands, connus et moins connus
Les débats se poursuivent sur une possible interdiction de l’AfD. Mais les critères sont très difficiles à remplir et un échec devant la cour constitutionnelle compétente en la matière constituerait une formidable victoire pour le parti d’extrême-droite. Le tribunal avait ainsi rejeté une telle demande contre le parti néo-nazi NPD. Pour Karlsruhe, le mouvement avait clairement un programme contraire à la démocratie mais son poids politique minime n’en faisait pas pour autant un danger pour l’Allemagne. Dans la foulée de ce jugement, une loi a prévu la possibilité de supprimer les financements publics à des partis sapant les principes démocratiques. La semaine dernière, la cour constitutionnelle a avalisé une telle mesure contre le mouvement NPD rebaptisé depuis “Heimat” (patrie). “Pas d’argent pour les Nazis” pouvait on lire le lendemain à la une du quotidien de gauche “Tageszeitung”.
Mais les juristes et les responsables politiques restent des plus prudents. Car une procédure d’interdiction ou la suppression des financements publics est plus facile à justifier contre un groupuscule qu’à l’encontre d’un parti présent aujourd’hui représenté au Bundestag, dans toutes les diètes régionales comme au parlement européen et qui pèse 20% dans les sondages.
A propos cour constitutionnelle : les responsables politiques au sein de la coalition au pouvoir comme des chrétiens-démocrates s’inquiètent du danger pour la plus haute juridiction face à une extrême-droite aussi forte. Une simple loi prévoit le mode de fonctionnement du tribunal de Karlsruhe, pilier de la démocratie allemande d’après-guerre. Ces règles pourraient être à l’avenir ancrées dans la constitution pour éviter un changement inopiné. On en est là…
L’AfD s’est radicalisée en permanence depuis sa création avec le départ régulier de responsables moins extrémistes qui ont claqué la porte du mouvement ou ont été poussés vers la sortie. Cette évolution tranche avec celle du Rassemblement National en France qui sous la direction de Marine Le Pen s’est forgé avec talent une façade de respectabilité, est reconnu à part entière désormais dans le paysage politique et vole de succès électoral en succès électoral. Le dernier scandale autour des projets de “remigration” de l’AfD a même conduit le RN à prendre ses distances avec l’AfD. Les rapports des deux partis n’ont certes jamais été simples. Dans le passé, ce sont les extrémistes allemands qui prônent un programme économique très libéral qui faisaient la moue en raison de propositions de leur parti frère français jugé trop à gauche…
"Même des extrémistes de droite comme Le Pen ou Meloni prennent leurs distances avec l'AfD" "C'est pour cela que nous voulons renvoyer les femmes aux fourneaux"
Il n’empêche. L’AfD reste à un niveau très élevé dans les sondages (et en tête à l’Est). Le vent mauvais à l’encontre du parti dans l’opinion publique et les médias va de pair avec de nouvelles adhésions, malgré le dernier scandale. Une solidarisation d’une partie de la population avec le parti qui serait “victime” de l’establishment n’est pas exclue comme le montre l’exemple d’un ex-président américain ou en Allemagne le succès du parti Freie Wähler aux régionales bavaroises à l’automne dernier malgré un dérapage sur l’aile droite de son président.
Margot Friedländer, 102 ans, a survécu à l'holocauste. Elle pose ici au milieu du mémorial de la shoah à Berlin.
Cette mobilisation civique et les débats autour de l’AfD ont coïncidé avec les commémorations de l’holocauste, 79 ans après la libération du camp d’Auschwitz le 27 janvier 1945. La survivante Margot Friedländer, toujours aussi active, a posé pour une campagne du quotidien “Frankfurter Allgemeine” au milieu du mémorial de l’holocauste à Berlin. Un certain Wim Wenders a pris les clichés. Lors d’une cérémonie au Bundestag cette semaine, le fils d’un rescapé, le célèbre journaliste sportif Marcel Reif, a ému aux larmes les députés avec son récit.
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L’organisation Jewish Claims Conférence qui se bat depuis les années 50 pour les indemnisations des victimes de la shoah vient de publier des chiffres sur les survivants encore en vie. Ils sont encore 245 000 et vivent dans 90 pays dans le monde, la moitié d’entre eux en Israël. En Europe de l’Ouest, la France abrite la plus importante communauté avec 22 000 personnes. 14 000 survivants vivent en Allemagne. Comme pour le reste de la communauté juive dans ce pays, beaucoup sont originaires de l’ex-Union soviétique.
L’immense majorité de ces personnes étaient enfants lorsque la guerre s’est terminée. Ils ont aujourd’hui 86 ans en moyenne et ont souvent besoin d’aides à domicile. 40% des survivants ont reçu l’an dernier l’an dernier des versements provenant des plus de 300 organisations qui reçoivent des fonds de la Claims Conference. Si l’on y ajoute les indemnisations directes, c’est près d’1,3 milliards de dollars qui ont été versés à des survivants par la Claims Conference l’an dernier. Ces sommes devraient être en hausse cette année.
En Allemagne comme ailleurs, le nombre des actes antisémites a explosé depuis le 7 octobre. 2249 cas ont été recensé par l’office criminel fédéral depuis cette date soit quatre fois plus que dans le passé.
La une du quotidien berlinois ci-dessous le montre bien : le mouvement lancé début janvier (en allemand BSW) qui porte le nom de son égérie n’est pas exempt d’un certain culte de la personnalité. Sahra Wagenknecht, figure centrale du parti Die Linke, donnait de l’urticaire à ses camarades avec ses positions restrictives sur l’immigration ou son rejet de thèses post-modernes comme la politique du genre.
Le congrès du week-end dernier a adopté le programme du BSW pour les Européennes. Le mouvement rejette une Union plus intégrée et défend une UE composée de “démocraties souveraines”. Le soutien militaire à l’Ukraine doit cesser pour faciliter des négociations de paix avec la Russie; les sanctions contre Moscou doivent disparaitre et les livraisons de gaz reprendre. Sur les questions migratoires, BSW défend des demandes d’asile aux frontières extérieures de l’UE et dans des pays tiers et s’alarme du développement de “sociétés parallèles” et du danger islamiste. La France est citée comme un contre-exemple.
Nouveau scandale de plagiat dénoncé par l'AfD: "Pour Poutine ! Pour le pétrole et le gaz ! Contre la fin du moteur thermique ! Contre l'establishment ! Contre les étranger ! Ils ont pompé à la lettre notre programme"
Le mouvement associe une politique sociale classique des partis de gauche (Die Linke est accusée d’avoir oublié les couches populaires) et une vision conservatrice sur les questions sociétales. Sahra Wagenknecht se définit comme “une conservatrice de gauche”; les politologues parlent eux de mouvements autoritaires de gauche que l’on trouve aussi en Scandinavie. Ce positionnement permettra-t’il de séduire des électeurs aujourd’hui tentés par un vote AfD ? Cela est possible. Mais des déçus du SPD avec un électorat populaire qui ne goûte pas toujours le libéralisme sociétal des dirigeants sociaux-démocrates ou des abstentionnistes pourraient apporter leur soutien à BSW. Le parti est crédité de 5 voire 6% dans les deux sondages parus ce vendredi. Les Européennes et des régionales en septembre constitueront les premiers tests électoraux pour le nouveau parti.
Dava, comprenez en français “Alliance démocratique pour la diversité et le renouveau” : ce nouveau mouvement vient d’être lancé et compte dans un premier temps présenter des candidats aux Européennes de juin. ça tombe bien, la barre des 5% nécessaire pour une représentation au Bundestag ne vaut pas pour ce scrutin.
Les liens des dirigeants avec des organisations et des structures proches d’Ankara et du régime Erdogan sont évidentes. Le nouveau parti veut exploiter le narratif habituel de l’AKP selon lequel les Turcs et les musulmans en général ne seraient pas acceptés en Allemagne. Les autres partis sont accusés d’être peu accueillants pour ses personnes. Dava veut exploiter ce sentiment qui explique pour partie les bons scores de l’AKP en Allemagne.
Un responsable du mouvement estime qu’il existe un potentiel de sept millions de musulmans en Allemagne. L’assouplissement des règles pour les naturalisations pourrait aussi profiter à une telle démarche.
Avant leurs collègues français, les agriculteurs allemands ont lancé un vaste mouvement contre le projet du gouvernement de supprimer des avantages fiscaux sur le diesel agricole. Et les grèves s’accumulent : la semaine dernière, les conducteurs de trains de Deutsche Bahn ont cessé le travail durant cinq jours. Des discussions doivent prochainement commencer entre le syndicat GDL et la direction. Pas de grève au moins jusqu’à début mars. Promis, juré !
"Voyons ça positivement : pas de trains bondés aujourd'hui, pas de retards, pas de toilettes en panne"
Le syndicat des services Ver.di reste mobilisé. Hier, de nombreux aéroports allemands ont été frappés par une grève du personnel de sécurité. Aujourd’hui, ce sont les transports en commun dans de nombreuses villes qui étaient en grève.
Au moins, les automobilistes sans doute plus nombreux sur les routes en raison de ces perturbations ne seront-ils plus stressés par les opérations du mouvement pro-climat “Dernière Génération”. L’organisation a annoncé mettre fin aux blocages routiers lors desquels des militants se collaient à la chaussée provoquant des bouchons et la colère des automobilistes. D’autres actions doivent suivre.
-baisse sensible de l’inflation en janvier qui revient à un rythme annuel de 2,9% (3,7% en décembre)
-le chômage augmente en janvier mais moins que d’habitude. La hausse de 170 000 personnes est inférieure aux 200 000 recensés en janvier avant la pandémie de Covid. En données corrigées des variations saisonnières, le chômage reste stable à 5,8%. Le marché de l’emploi reste solide. Le nombre d’actifs avec 46 millions atteint un nouveau record. La hausse est désormais avant tout expliquée par un nombre croissant de salariés étrangers (la part des Allemands, elle, recule).
-une étude de l’institut de conjoncture DIW montre que la part des bas salaires en Allemagne s’est sensiblement réduite ces dernières années. Des augmentations de salaires plus élevées, l’introduction du SMIC horaire en 2015, le coup de pouce sensible dont il a bénéficié en 2022 expliquent cette évolution.
-la consommation de bière en recul de 4,5% l’an passé. Certes, la bagatelle de 8,4 milliards de litres ont été bus -Prosit! Mais la tendance sur la durée est négative après un rattrapage post-Covid. Le président de la fédération allemande parle déjà d’un “Brauereisterben” pour évoquer la disparition des brasseries.
-le frein à la dette : les sages qui conseillent le gouvernement favorables à une réforme. Ils prônent une plus grande flexibilité. Aujourd’hui, le déficit de l’Etat ne peut pas excéder 0,35% du PIB. Les économistes proposent qu'un endettement plus élevé soit possible après une crise de taille comme la pandémie pour faciliter le retour à la normale de l’économie. Les experts suggèrent également que le déficit autorisé soit lié à l’endettement global de l’Allemagne. En dessous de 60% du PIB (64% attendus cette année), 1% de déficit devrait être autorisé; 0,5% serait permis si l’endettement dépasse la limite fixée par les règles européennes. Au-delà de 90%, les dispositions actuelles devraient continuer à s’appliquer.
Les Allemands ne sont pas convaincus. 56% d’entre eux sont opposés à un frein à la dette moins rigide; mais les partisans d’une réforme sont plus nombreux qu’en décembre (40% au lieu de 30%).
-l’Allemagne comptait 84,7 millions d’habitants fin 2023. La hausse (300 000 personnes) l’an dernier reste plus modeste que durant dans le passé. A nouveau, l’immigration explique cette augmentation.
"Cherchez la différence ! Abus sexuels chez les catholiques; abus sexuels chez les protestants"
Une étude indépendante menée par des universitaires et présentée la semaine dernière estime que plus de 1200 personnes travaillant pour l’Eglise protestante allemande ont sévis durant plusieurs décennies. Le nombre de victimes est estimé à 2200 enfants. Les auteurs n’ont pas pu avoir accès à autant d’archives que leurs homologues qui avaient travaillé sur l’Eglise catholique. Ils estiment donc que leurs chiffres sous-estiment la réalité. Lors de la présentation de l’étude, la cheffe de l’EKD a présenté ses excuses aux victimes.
Le titre phare du film à succès “Les choristes” (en Allemagne “les enfants de Monsieur Mathieu”) fait un come back vingt ans plus tard avec une version remixée par DJ Bennett. En quelques semaines, cette nouvelle version a conquis les charts.
BENNETT - Vois sur ton chemin (Techno Mix) | 1LIVE Krone 2023 (youtube.com)