Lettre d'Allemagne

L'actualité allemande, la connue et la moins connue, grâce à l'expérience de plus de trente ans du correspondant de Radio France Internationale sur place.

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Par pascal thibaut
30 juin · 10 mn à lire
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L'AfD crève le plafond de verre

La victoire dimanche dernier d'un candidat du parti d'extrême-droite lors d'une élection locale, une première dix ans après la création de l'Alternative pour l'Allemagne, a constitué un choc malgré la portée limitée du scrutin. Les autres partis cherchent des explications, des responsables et la bonne contre-attaque.

L’écho dans les médias et le monde politique après le succès au second tour de Robert Sesselmann (le monsieur en chemisette blanche ci-dessous) dans le district de Sonneberg en Thuringe (ex-RDA) a été énorme. Il rappelait par son ampleur la couverture des premières percées locales du Front National dans le passé. Pourtant, l’AfD, créée il y a dix ans, a depuis longtemps dépassé cette étape. Le parti d’extrême-droite est présent dans toutes les diètes régionales allemandes, pour la deuxième législature consécutive au Bundestag ainsi qu’au parlement européen.

"L'AfD fait 0,1%" titrait le quotidien de gauche pour évoquer le pourcentage du territoire allemand concerné par la victoire du parti."L'AfD fait 0,1%" titrait le quotidien de gauche pour évoquer le pourcentage du territoire allemand concerné par la victoire du parti.

La conquête du plus petit district dans l’Est de l’Allemagne avec un peu plus de 50 000 habitants ne va pas changer le paysage politique du pays. Mais il n’en constitue pas moins une victoire symbolique. Pour la première fois, l’Alternative pour l’Allemagne conquiert au scrutin majoritaire une collectivité locale. Avec près de 53% des voix, le nouvel élu s’impose face à son concurrent CDU soutenu pourtant par tous les autres partis. Le scrutin proportionnel s’appliquaient lors des succès électoraux engrangés par l’AfD ces dix dernières années.

La victoire de dimanche dernier a eu lieu dans une région, la Thuringe, qui constitue un fief de l’AfD comme l’ensemble de l’ex-RDA. Dans un sondage du mois dernier, le parti d’extrême-droite était crédité dans ce Land de 30%. Des élections régionales y auront lieu l’an prochain comme en Saxe et dans le Brandebourg, deux autres régions de l’Est du pays. La percée actuelle du mouvement dans cette partie de l’Allemagne comme dans l’ensemble du pays (près de 20%) fait craindre le pire.

La dernière une du magazine avec la dirigeante de l'AfD : "Qu'avez-vous d'autre à proposer que de la haine, Madame Weidel ?"La dernière une du magazine avec la dirigeante de l'AfD : "Qu'avez-vous d'autre à proposer que de la haine, Madame Weidel ?"

Cet ancrage fort dans la partie Est du pays a de multiples raisons : le faible enracinement des valeurs démocratiques après soixante ans de dictatures nazie puis communiste; les déceptions d’une partie de l’électorat après la réunification alors que beaucoup pensaient que démocratie allait automatiquement de pair avec prospérité; les bouleversements radicaux dans les années 90 avec un chômage massif qui ont laissé des traces; le sentiment d’être perçu encore aujourd’hui à l’Est comme des citoyens de seconde zone alors que les élites dirigeantes viennent très majoritairement de l’Ouest; un rejet plus fort des institutions et de leurs représentants. Une étude présentée cette semaine par l’université de Leipzig confirme l’adhésion plus importante à l’Est aux thèses de l’extrême-droite (racisme, antisémitisme et autres théories conspirationnistes). Cela vaut particulièrement pour la partie Sud de l’ex-RDA et la Thuringe où l’aile la plus radicale de l’AfD est implantée. Dans son récent rapport, l’office de protection de la constitution estime qu’un tiers des 28 000 membres du parti ont des positions clairement extrémistes et que le mouvement globalement s’est radicalisé. La guerre contre l’Ukraine est exploitée par ces forces qui reprennent les narratifs pro-russes. L’extrême-droite allemande comme dans les pays voisins a une faiblesse pour le régime Poutine. Dans la partie Est du pays, les étroites relations durant plus de quarante ans avec l’URSS ont laissé des traces.

"ca peut aussi être un Autrichien?" s'amuse le site satirique après que l'AfD a annoncé vouloir avoir un candidat à la chancellerie en 2025"ca peut aussi être un Autrichien?" s'amuse le site satirique après que l'AfD a annoncé vouloir avoir un candidat à la chancellerie en 2025

L’AfD actuellement n’a rien à proposer et peut savourer ses succès dans les sondages comme les bisbilles de ses adversaires concurrents qui cherchent désespérément la meilleure stratégie pour contrer l’extrême-droite. Celle-ci, grisée par ses succès, a même annoncé vouloir présenter un.e candidat.e à la chancellerie en 2025.

La CDU divisée face à l’AfD

La une du quotidien berlinois ci-dessous résume bien le dilemme de la CDU. On y voit en une le président du parti chrétien-démocrate Friedrich Merz pris au collet par l’AfD. La droite allemande se divise entre deux ailes : le patron du mouvement prône une ligne plus dure sur l’immigration et les sujets de société pour concurrencer l’AfD et récupérer une partie de ses électeurs. Friedrich Merz veut par ailleurs faire des Verts les adversaires numéro un de son parti estimant que les propositions des écologistes suscitent de nombreuses inquiétudes chez les électeurs séduits par l’extrême-droite. Les détracteurs de Friedrich Merz au sein de son parti rappellent avec ironie une déclaration du président de la CDU qui promettait en 2019 de diviser les scores de l’AfD par deux. Or depuis les législatives de septembre 2021, ces derniers ont quasi doublé dans les sondages… Et tirer à boulets rouges sur les verts pourraient se révéler contreproductif. La CDU gouverne dans plusieurs régions avec les écologistes. Et si la droite veut gouverner le pays en 2025, les verts constitueront un partenaire incontournable sauf à mettre en place une énième grande coalition.

L’aile centriste de la CDU n’entend pas laisser la main à Merz. Le ministre-président de la plus grande région allemande, la Rhénanie du Nord Westphalie, Hendrik Wüst, a récemment publié une tribune dans la presse qu’Angela Merkel aurait pu signer “Le coeur de la CDU bat au centre. Vouloir faire le jeu des populistes, c’est s’attaquer aux racines de notre parti et provoquer un chaos”. Le message est clair. Les deux hommes Wüst et Merz, ont joué les meilleurs amis du monde pour les photos lors d’une récente manifestation. Mais le premier pourrait se lancer dans la course à la candidature pour la chancellerie en 2025 face à un Friedrich Merz dont l’étoile au sein de son parti a pâli et qui reste impopulaire dans l’opinion.

Le gouvernement serre les boulons avant l’été

Les succès de l’extrême-droite dans les sondages actuellement s’expliquent aussi en partie par les querelles incessantes au sein de la coalition au pouvoir. Avant la pause de l’été, sociaux-démocrates, verts et libéraux veulent boucler des dossiers qui enveniment leurs relations depuis des semaines.

Le dossier le plus compliqué et qui a le plus inquiété l’Allemand moyen concerne la loi sur les chauffages prévoyant leur modernisation pour réduire les émissions de CO2. Le psychodrame a duré des semaines exploité avec talent par la presse populiste et l’extrême-droite. Les Verts ont dû à nouveau faire des concessions. Ce qui ressemblait à un couperet avec des interdictions synonymes de dépenses sensibles pour les propriétaires et de charges supplémentaires pour les locataires n’est plus qu’une réformette. Sur le papier, de nouvelles chaudières ne pourront être installées à partir de 2024 que si elles recourent aux deux tiers à des énergies renouvelables. Dans les faits, cela attendra plusieurs années afin que les communes fassent un bilan global rue par rue, immeuble par immeuble ce qui prendra du temps. Ensuite les subventions sont revues à la hausse et les conséquences financières pour les plus modestes réduites. Un soutien de base de 30% est prévu pour toute installation. Elle double pour ceux dont le revenu annuel ne dépasse pas 40 000 Euros. Et ceux qui optent rapidement pour de nouvelles installations plus vertes auront un bonus supplémentaires. Enfin, les propriétaires ne pourront augmenter que faiblement les loyers. Même les organisations de défense des locataires sont satisfaites.

La nouvelle loi sur les chauffages. Avant. Après. La nouvelle loi sur les chauffages. Avant. Après.

Autre chantier en passe d’être achevé : celui du budget 2024. Il doit être présenté in extremis en conseil des ministres mercredi prochain avant la pause parlementaire de l’été. Les tensions ont été nombreuses. Le ministre libéral des Finances Christian Lindner a dû batailler avec ses collègues habitués ces dernières années à des dépenses plus généreuses. En 2024, la règle d’or constitutionnelle fait son retour après son abandon exceptionnel, pandémie et crise énergétique oblige. Le déficit budgétaire ne devra pas dépasser à nouveau les 0,35% du PIB. Et la conjoncture allemande surfe sur la crête de la récession. Les derniers ajustements ont dû être négociés en présence du chancelier pour faire pression sur les ministres récalcitrants. Même le chouchou des sondages, le ministre de la Défense Borius Pistorius n’a pas à l’arrivée pu obtenir autant qu’il espérait.

Migration

-introduction d’un système à points pour attirer de la main d’oeuvre qualifiée

« Les règles d’immigration les plus modernes au monde. » La ministre de l’Intérieur Nancy Faeser n’a pas mâché ses mots lors du vote de la nouvelle loi au Parlement il y a une semaine. Face au manque de main d’œuvre qualifiée, l’Allemagne va introduire un système à points. 12 critères seront pris en compte comme la qualification, l’âge ou les connaissances linguistiques.

Avec 6 points, une personne non originaire de l’Union européenne pourra venir en Allemagne. Les règles précédentes ont été assouplies : une personne qualifiée ne devra pas forcément occuper un emploi similaire à celui qu’elle exerçait dans son pays d’origine. L’expérience professionnelle et pas seulement le diplôme dont la reconnaissance n’est pas toujours simple sera prise en compte.

Le pays est déjà confronté à un manque de main d'œuvre qualifiée dans de nombreuses branches. Le départ en retraite de 13 millions de personnes d'ici 2036 va renforcer ces problèmes. Pour la première fois, un contingent pour de la main d’œuvre non qualifiée est créé en plus de celui déjà existant pour les pays des Balkans qui sera élargi. Des demandeurs d’asile pourront obtenir un titre de séjour s’ils ont un travail. Une mesure rétroactive pour les personnes arrivées jusqu’à ce printemps et non pour de nouveaux arrivants. La nouvelle loi a été votée par la coalition au pouvoir. Les chrétiens-démocrates dénoncent une immigration supplémentaire incontrôlée et la possibilité offerte à des demandeurs d’asile déboutés de rester en Allemagne.

-Record migratoire en 2022

Le nombre de migrants arrivés en Allemagne a battu un nouveau record l'an dernier. Cette fois, cette augmentation sensible s'explique par l'accueil de nombreux réfugiés ukrainiens. Malgré une démographie en perte de vitesse, le pays voit ces dernières années sa population globale croitre régulièrement en raison d'une immigration qui reste importante.

Un million quatre cent soixante-deux mille. Jamais depuis la guerre l’Allemagne n’avait enregistré une immigration nette aussi importante. Elle a dépassé en 2022 le record de 2015 lorsque des centaines de milliers de migrants, avant tout syriens, avaient été accueillis. L’immigration nette, les arrivées moins les départs, avait été quatre fois moins importante en 2021.

Loin derrière les Ukrainiens, on trouve des migrants d’autres pays, mais à chaque fois avec des chiffres bien plus faibles de quelques dizaines de milliers de personnes venant de Syrie, d’Afghanistan et de Turquie. Près de 90 000 ressortissants de l’Union européenne se sont installés en Allemagne l’an dernier où le manque de main d’œuvre pose des problèmes de plus en plus sensibles.

Cette immigration massive explique également que la population globale a en 2022 atteint le chiffre inégalé depuis des décennies de 84 millions et ce, alors que le nombre de décès a été à nouveau supérieur à celui des naissances.

Economie

-”Industriepolitik” : un mot qui ne fâche plus

La politique industrielle a longtemps été suspecte en Allemagne où les traditions libérales sont très fortes et où l’interventionnisme de l’Etat a longtemps été suspect. Mais les dernières années ont montré que les esprits évoluaient. Un exemple flagrant en est la subvention massive pour la future usine d’Intel dans la partie Est du pays où on pourrait presque voir un come back du régime est-allemand où les subventions de l’Etat étaient omniprésentes. Berlin va débourser près de dix milliards d’Euros pour l’usine de puces du groupe américain à Magdebourg en Saxe-Anhalt. L’annonce met fin à un conflit depuis le début de l’année. L’investisseur réclamait une rallonge sensible et ne voulait plus se contenter des 6,8 milliards d’argent public initialement promis. A l’arrivée, Intel double presque son investissement qui passe de 17 à 30 milliards et récupère des subventions supplémentaires.

"Süddeutsche Zeitung""Süddeutsche Zeitung"

Le contrat pour deux usines a été signé à la chancellerie. “Silicon Junction” devrait produire d’ici quatre à cinq ans les puces les plus modernes du monde. D’autres entreprises de poids comme ThyssenKrupp dans la sidérurgie ou le producteur de batteries Northvolt devraient également profiter de subsides publiques. Berlin envisage par ailleurs de subventionner jusqu’en 2030 le prix de l’électricité pour des industries très consommatrices afin de sauvegarder le “made in Germany”.

-Dieselgate : verdict dans le premier procès au pénal

Son passage aux aveux a porté ses fruits. Après avoir contesté les faits qui lui étaient reprochés depuis le début de l’enquête, l’ancien PDG d’Audi avait reconnu sa culpabilité le mois dernier. Rupert Stadler qui dirigeait la filiale de Volkswagen a eu connaissance de l’installation de logiciels réduisant artificiellement les émissions des voitures Diesel de la marque aux anneaux. Résultat : au lieu de dix ans derrière les barreaux dans le pire des cas, le sexagénaire écope d’une peine de prison avec sursis de 21 mois. Il devra par ailleurs s’acquitter d’une amende d’1,1 million d’Euros. Ses deux co-accusés ont également été condamnés à des peines avec sursis et des amendes plus modestes. Le deal passé avec la justice débouchant sur des condamnations plus faibles a été sévèrement critiqué.
Il s’agit néanmoins de la première condamnation pénale dans le scandale du Dieselgate qui a ébranlé l’automobile allemande et surtout le groupe Volkswagen. Révélée en septembre 2015, l’affaire a coûté cher au constructeur aux douze marques avec environ 30 milliards d’Euros de remboursements, dédommagements et autres frais judiciaires, avant tout aux Etats-Unis. Un autre procès pénal se poursuit toujours à Braunschweig contre d’anciens responsables de Volkswagen. L’ex-PDG du groupe, Martin Winterkorn, lui, échappera à un procès pour des raisons médicales.
Les poursuites au civil pourraient rebondir. Une décision de la cour de cassation allemande lundi va faciliter les demandes de dommages et intérêts d’automobilistes victimes du dieselgate.

-La Deutsche Bahn et la menace d’une grève illimitée

Les laborieuses négociations salariales à la Deutsche Bahn n’ont pas débouché sur un accord même si les divergences entre le syndicat EVG et la direction ne sont pas si grandes. La semaine dernière, EVG a annoncé qu’il lançait la lourde procédure devant déboucher sur un vote de ses membres sur une grève illimitée. Si elle devait avoir lieu, elle tomberait en plein durant les vacances d’été.

"La Deutsche Bahn vous souhaite de bonnes vacances""La Deutsche Bahn vous souhaite de bonnes vacances"

Des grèves d’avertissement comme durant les dernières semaines restent entre-temps possible. Un débrayage envisagé pour mardi prochain n’aura finalement pas lieu. Le syndicat EVG a accepté ce jeudi une offre de médiation proposée par l'entreprise. Mais la procédure de consultation des membres sur une grève illimitée se poursuit, le syndicat conserve ainsi un atout dans sa manche.

-SMIC : une hausse symbolique?

Le salaire horaire minimum a été introduit en Allemagne au premier janvier 2015 par une loi qui dérogeait au principe sacré de l’autonomie tarifaire qui donne en ce domaine la primauté aux partenaires sociaux. Le développement d’un précariat salarié a poussé à l’époque la grande coalition à rompre avec les usages. Le rôle des partenaires sociaux n’a pas disparu pour autant après l’entrée en vigueur de la loi. Une commission composée de représentants des syndicats et du patronat fait régulièrement des propositions sur une réévaluation du smic; le gouvernement d’ordinaire les reprend à son compte. Une exception a été faite l’an dernier avec l’adoption d’une loi prévoyant une hausse significative du smic horaire, une promesse de campagne d’Olaf Scholz. Il est passé d’un coup de 10,45 Euros à 12 Euros au 1er octobre dernier donnant un coup de pouce financier sensible aux six millions de salariés concernés.

La commission mixte chargée de formuler une proposition de réévaluation prône aujourd’hui une hausse de 12 à 12,41 Euros en janvier 2024. Les syndicats rejettent une hausse qu’ils jugent “honteuse” et insuffisante. Le ministre du Travail social-démocrate partage cette critique mais va sans doute la reprendre à son compte. Les syndicats allemands mettent dorénavant leurs espoirs sur l’entrée en vigueur d’une directive européenne prévoyant que le salaire minimum ne peut pas être inférieur à 60% du salaire médian. En Allemagne, cela signifierait au moins 14 Euros de l’heure.

Scholz et Merkel en France; Macron arrive en Allemagne

Le chancelier était à nouveau à Paris la semaine dernière. Il a à l’occasion de ce déplacement donné une interview à LCI : VIDÉO - "Chaque centimètre du territoire de l’Otan doit être défendu", appelle Olaf Scholz sur LCI | TF1 INFO

Angela Merkel était elle à Paris mardi. Elle a été faite docteure honoris causa par Sciences Po : https://www.youtube.com/watch?v=vJjPrW3RguI

Et si vous voulez en savoir plus sur l’ancienne chancelière, je vous conseille la série de mon collègue Ludovic Pietenu qui débute sur France Culture “Angela Merkel, l’inattendue” : Angela Merkel, l’inattendue : un podcast à écouter en ligne | France Culture (radiofrance.fr)

Emmanuel Macron sera à compter de dimanche soir en Allemagne pour une visite d’Etat de 48 heures. Il s’agit d’une première depuis 23 ans. La présidence de la république -Frank-Walter Steinmeier a invité son homologue- a publié un communiqué en français avec le contenu du programme : Mitteilungen für die Presse (bundespraesident.de)

L’ancien diplomate Claude Martin était ambassadeur en RFA lors de la dernière visite d’Etat d’un président français, Jacques Chirac, en l’an 2000. Il vient de publier « Quand je pense à l’Allemagne, la nuit. Mémoires d’un ambassadeur », aux éditions de l’Aube et était récemment l’invité de l’émission “Géopolitique” sur RFI :

La relation franco-allemande à l'épreuve de la guerre d'Ukraine - Géopolitique (rfi.fr)

Médias : la presse écrite en difficulté; mauvais vent pour l’audiovisuel public

-Le journal le plus lu d’Allemagne, le tabloïd “Bild Zeitung” (un million d’exemplaires vendus début 2023 contre 2,5 millions il y a dix ans) va réduire ses coûts et recourir à l’intelligence artificielle. Le quotidien va supprimer 200 postes (sur 600) et réduire d’un tiers le nombre de ses éditions locales. Certaines fonctions, y compris rédactionnelles, pourraient être remplacées par l’intelligence artificielle. L’association des journalistes allemands a protesté contre “une rupture de digue”.

"La coopérative de ND émet un SOS""La coopérative de ND émet un SOS"

-”ND” au plus mal. L’ancien organe du parti communiste est-allemand “Neues Deutschland” (1,2 million exemplaires lors de la chute du mur en 1989) n’est plus que l’ombre de lui même. Devenu une coopérative, le quotidien de gauche n’avait plus que 12 000 abonnés au premier trimestre. Un déficit bien plus important que prévu contraint le journal a lancé un appel à l’aide auprès de ses lecteurs ou sympathisants. Des mesures d’économies sont prévues : le quotidien va abandonner la vente en kiosques trop chère à partir d’août et restera accessible sur le net. Des postes de rédacteurs seront supprimées et la pagination réduite.

-pas de hausse pour la redevance ? Durant les dernières décennies, la commission chargée d’évaluer les besoins du service public allemand et de proposer une augmentation de la redevance a toujours vu ses suggestions entérinées par les 16 Länder qui tranchent in fine. Une procédure très différente de celle qui existait en France avant la suppression de la redevance. Ce prélèvement est en Allemagne le plus élevé d’Europe (220,32 Euros par an) et permet à l’audiovisuel public de bénéficier d’un généreux financement (8,5 mlliards par an). Mais ARD et ZDF affrontent un vent mauvais. Différents scandales ont nui à l’image du service public allemand. Six régions refusent actuellement une nouvelle augmentation qui ferait passer la redevance à 240 Euros par an.

L’Eglise catholique s’étiole

Jamais l’instituion n’a perdu autant de membres que l’an dernier. 520 000 personnes ont effectué la démarche administrative permettant de ne plus être membre sur le papier de l’Eglise catholique (et de ne plus payer l’impôt finançant l’institution). Si l’on ajoute à ses départs volontaires les décès, la perte globale s’élève à 760 000 (160 000 nouveaux membres ont été enregistrés après des baptêmes, des changements de religion ou un retour au bercail). Les raisons de cette hémorragie sont multiples. La société allemande se sécularise. L’Eglise protestante a enregistré plus de 300 000 départs l’an dernier. Mais l’Eglise catholique pâtit des scandales de pédophilie qui la frappent depuis plusieurs années.

"Tu ne dois pas mentir" "Bild Zeitung""Tu ne dois pas mentir" "Bild Zeitung"

Des perquisitions dans l’archevêché de Cologne mardi l’ont à nouveau montré. Ces procédures concernaient Rainer Maria Woelki. L’archevêque de Cologne est soupçonné de parjure en lien avec ces affaires. Il est sous pression depuis longtemps. En mars, il avait affirmé sous serment dans un procès ne pas être au courant des accusations d’abus sexuels contre l’un des prêtres de son diocèes. Mais dans une lettre au Vatican, il avait décrit les agissements de cette personne.

Histoire

-un double anniversaire était célébré il y a quelques jours. Celui du début du pont aérien qui à partir de fin juin 1948 allait permettre la survie de Berlin-Ouest victime du blocus soviétique.

Et il y a soixante ans, une phrase iconique de l’histoire moderne était prononcée avec le fameux “Ich bin ein Berliner/Je suis un Berlinois” du président Kennedy en visite à Berlin-Ouest en juin 1963.

-Le Bundestag a voté il y a une semaine avec les voix de tous les partis sauf l’AfD la construction à proximité du parlement allemand à Berlin d’un mémorial pour les Témoins de Jéhovah victimes du Troisième Reich. Cette communauté avait été attaquée dès les années vingt par les Nazis qui reprochaient à cette communauté son rejet du racisme, de l’antisémitisme et du service militaire. D’après les recherches historiques, plus de 10 000 Témoins de Jéhovah en Allemagne (2700 dans les pays occupés par les Nazis) ont été victimes de brutales persécutions. 4200 furent déportés dans des camps de concentration; 1700 n’en revinrent pas. Le mémorial doit être construit près du bassin aux poissons rouges du Tiergarten, le grand parc au centre de Berlin où des Témoins de Jéhovah se retrouvaient clandestinement sous le Troisième Reich. Ce mémorial n’est pas le premier dans le quartier gouvernemental consacré aux victimes de persécutions nazies. A côté du grand site où se dressent des centaines de stèles à la mémoire des juifs, il existe également des lieux de mémoire pour les roms, les handicapés physiques et mentaux ainsi que les homosexuels.

-Cette dernière minorité est au centre d’un documentaire disponible sur Netflix depuis mercredi. “Eldorado-Tout ce que les Nazis haïssaient” porte le nom d’un célèbre cabaret de Berlin qui dut fermer face aux attaques nazies dès 1932. Rarement dans l’histoire, on a vu alterner en quelques années une période des plus permissisives et hédonistes que le livre de Christopher Isherwood et le film “Cabaret” illustrent et la période la plus noire avec les persécutions et les déportations d’homosexuels sous le Troisième Reich. Dans le club Eldorado, on pouvait croiser l’actrice débutante Marlene Dietrich, Charlie Chaplin ou encore le futur chef des sections d’assaut nazies, les SA, Ernst Röhm.

La fascination pour l’entre-deux-guerres reste énorme. Cela se traduit à travers de nombreux séries comme “Babylon Berlin”, grand succès international vendu dans 140 pays. La quatrième saison sera disponible sur l’ARD après l’été. Sky Deutschland, autre partenaire, ne souhaitait pourtant pas poursuivre l’aventure. La première chaîne publique vient d’annoncer qu’elle tournera seule une cinquième saison. Les livres de Volker Kutscher d’où sont tirés la série sont également disponibles en français.